The Lifeboat est un jeu pour 2 à 30 personnes (et sans doute plus si vous avez plusieurs facilitateurs) qui permet de découvrir et manipuler le concept de valeur et de priorisation d’un backlog le tout en environ une heure de temps.
Les participants vont apprendre comment est constitué ce nébuleux concept, comment le gérer dans un contexte comprenant de multiples équipes et/ou dans un environnement dans lequel plusieurs demandes contradictoires viennent perturber la vision préalablement établie.
L’atelier est particulièrement profitable aux Product Owners et toute partie prenante (stakeholder) d’un produit construit de manière itérative.
Attention, ce jeu est bourré d’humour noir (et éventuellement de cynisme). Même si son contenu reste bien moins choquant qu’un épisode de Game of Thrones, au moins vous aurez été prévenus 😉
Bienvenue à bord du Gigantic
J’ai une bonne et deux mauvaises nouvelles. La bonne c’est que les participants sont tous des membres d’équipage du Gigantic, un très luxueux bateau de croisière. La première mauvaise nouvelle, c’est que ce bateau est un train de couler. Il reste encore un peu de temps pour organiser l’évacuation des passagers mais on ne sait pas exactement combien; il faut donc faire vite ! La deuxième mauvaise nouvelle c’est que pour des raisons budgétaires idiotes, il n’y a qu’un seul canot de sauvetage. Il va falloir organiser plusieurs aller-retours pour secourir tous les passagers… Mais comme l’équipage ne sait pas de combien de temps il dispose avant que le paquebot ne soit entièrement submergé, il faut considérer chaque voyage du canot comme étant potentiellement le dernier. Il faut donc choisir avec soin qui va embarquer en premier !
Mise en place
- Constituez des groupes de 1 à 5 personnes.
- Découpez les cartes passagers et le bateau que vous trouverez ici : Liste de passagers (FR) et mélangez-les pour former un deck.
- Distribuez ensuite un deck et un bateau de sauvetage à chaque groupe
- Expliquez aux participants les informations présentes sur les cartes passagers : il y a leur nom et genre, leur âge, leur taille et poids suivi d’une conversion de ces mesures en nombre de cases prises à bord du canot de sauvetage (une personne faisant 1×1 case ne prend qu’une place tandis qu’une personne faisant 2×1 cases en prend deux), leur situation familiale (statut marital, nombre d’enfants, etc.), leur lieu de résidence et un fait plus ou moins positif, une information personnelle les concernant.
- Montrez un exemplaire du canot de sauvetage et expliquez qu’il s’agit d’un modèle tout à fait standard à huit places.
I. Les femmes et les enfants d’abord… Ou pas!
Donnez 15 minutes aux participants pour explorer la liste des passagers et décider, en groupe, qui ils souhaitent sauver en premier.
- Procédez ensuite à un passage en revue des résultats.
- À cette étape, il est possible qu’un ou plusieurs groupes aient choisi de remplir le canot avec un total de passager dépassant les 8 places théoriques du canot. Dans ce cas expliquez les conséquences de cette surcharge : le canot va potentiellement couler car trop lourd, ou être extrêmement lent car surchargé. C’est exactement comme vouloir charger le sprint d’une équipe au-delà de sa capacité: les chances d’échec sont démultipliées
- Comparez les liste de passagers sauvés de chaque groupes et les règles qu’ils ont utilisées pour parvenir à ce choix. Il y a toutes les chances qu’elles soient différentes ! Avec le même matériaux, on obtient des ordres différents ! Qu’en pense les participants ? Est-ce normal ? Y a-t-il une règle de priorité meilleure que les autres ? Rappelez que les critères constituant « la valeur » sont contextuels, qu’ils relèvent souvent d’une convention et peuvent être subjectifs. D’ailleurs, que pensent les participants de l’aspect subjectifs des critères qu’ils ont utilisés ?
I. (bis) Cette fois sans surcharge (optionnel)
- Si vous avez-eu au moins un groupe ayant surchargé son canot, donnez-lui 5 minutes pour obtenir une liste de passagers n’excédant pas la capacité optimale du bateau de sauvetage (i.e 8).
- Pendant ce temps, utilisez les passagers VIP ou clandestins, qui ne figurent pas sur la liste officielle des passagers puisqu’ils sont là incognito, pour mettre à l’épreuve les règles de priorité des autres groupes. Imaginez pour chacun d’eux un personnage qui met teste les limites de leurs règles. Par exemple, s’ils ont choisi de sauver les personnes séduisantes en premier (j’ai vraiment eu ce cas) que font-ils d’un mannequin ayant remporté le titre de modèle de l’année mais faisant 2×2 cases car il s’agit d’un mannequin dit « grande taille » ?. (Je suis même sûr que vous pouvez imaginer pire que ça)
- Lors du débriefing, vous pouvez vous demander s’il est mal de faire des exceptions à sa règle lorsqu’un cas extrêmement particulier ou une opportunité hors gabarit se présentent.
Vous trouverez un template ici: Lifeboat – VIP et clandestins (FR)
II. Sauve qui peut
- Conduisez une nouvelle itération pour 10 minutes. Maintenant que chaque groupe a pu exposer sa règle de priorité, qui vont-ils sauver ensuite (on considère les passagers choisi dans l’itération suivante comme déjà sains et saufs). Autorisez explicitement les groupes à changer leur règle.
- Lors du débriefing, vérifiez si certaines équipes ont pris en compte de nouvelles variables ou ont modifié leur règle de priorité. Quel que soit le résultat, menez une discussion autour de la possibilité de changer la règle en cours de route. Rappelez qu’il est tout à fait acceptable de changer la règle de priorité entre les itération. Il existe de multiples raisons de le faire, comme par exemple une nouvelle opportunité ou un échantillon à trier dont la nature est différente des précédents (après avoir sauvé les personnes cruciales selon nos critères au début, ceux qui restent nécessitent peut-être une autre façon de procéder).
III. Quand les sauveteurs parlent d’un seul porte-voix
- Demandez à l’ensemble des participants de se mettre d’accord sur les critères à utiliser pour ordonner la liste des passagers.
Une fois alignés, conduisez une nouvelle itération. Cette fois, on repart de la liste complète comme si personne n’avait été sauvé auparavant. Vous pouvez diminuer la durée de cette itération à 7 minutes puisque les participants doivent être maintenant familiarisés avec la liste de passagers. - Lors du débriefing vérifiez si tout le monde obtient exactement le même groupe de passagers à sauver. L’ordre est-il exactement le même au sein de toutes les équipes ? Est-ce normal, malgré la règle commune, d’obtenir des résultats différents ?
IV. Un pour tous, tous pour le N+1
- Distribuez une carte manager (appelés Hippos ici en référence à l’acronyme Highest Paid Person Opinion) à chaque groupe. Vous trouverez ces cartes ici : Safe Boat – FR – Managers
- On part à nouveau de zéro, comme si personne n’avait été sauvé. La règle commune définie au round précédent s’applique toujours cependant. Lancez une itération de 7 minutes.
- Lors du débriefing vérifier les effets de ces nouvelles demandes émanant de supérieurs hiérarchiques. Les listes de passagers sauvés sont-elles encore plus différentes que lors de l’itération précédente ? Y a-t-il un groupe qui n’a pas accepté (complètement) l’ordre reçu ? Rappelez que le but d’avoir une règle claire pour la définition de la valeur n’est pas là pour empêcher toute exception mais pour favoriser des discussions plus saines que juste suivre un ordre (essayons de faire mentir Milgram un petit peu).
V. Et si on ajoutait plusieurs hippopotames à l’affaire ? (optionnel)
Cette fois distribuez deux Managers/Hippos à chaque groupe. Notez que certains ont des demandes assez contradictoires. Il est intéressant d’avoir un groupe dans une situation avec deux managers aux vues opposées.
- On part à nouveau de zéro, comme si personne n’avait été sauvé. La règle commune s’applique toujours. Lancez une itération de 7 minutes
- Lors du débriefing, vérifiez le ressenti des participants, que souhaitent-ils changer pour que ce genre de situations soit mieux vécu ?